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Les sept chantages inacceptables des partisans du “mariage” unisexe, by Roland Hureaux

Trop souvent le débat sur le “mariage” des personnes du même sexe est vicié par le recours de ses partisans à des arguments en forme de chantage. Le meilleur moyen d’y résister est de les démasquer.

La fausse modernité
Le plus trivial est le chantage à la modernité : “il faut être de son temps”, dit-on. “Il s’agit d’une évolution irréversible”. En termes plus élaborés, on dira que ce projet va dans le sens de l’histoire. Le sens de l’histoire est, depuis Hegel, la source racine des pires errements ; si la morale n’est plus un absolu, mais relative à une époque, si elle est tributaire de l’ ”évolution de la société”, au nom de quoi empêchera-t-on toutes les dérives ? D’ailleurs, cet argument est en lui-même terroriste puisqu’il forclot d’emblée tout débat de fond, notamment sur les droits des enfants.  Et puis, de quel sens de l’histoire parle-t-on ? Quand Charles de Gaulle parlait de la Russie, il était traité de retardataire par ceux qui considéraient l’Union soviétique comme irréversible. On a vu ce qu’il en a été. On disant dans la Basse Antiquité que deux augures ne pouvaient pas se regarder sans rire. Maintenant que Leningrad s’appelle à nouveau Saint-Pétersbourg, qui peut invoquer encore sans rire le sens de l’histoire ?

L’égalité entre qui et qui ?
Le second est le chantage à l’égalité, ou comme on dit, à la non-discrimination. Le mariage et l’adoption seraient un droit, jusqu’ici ouvert aux seuls hétérosexuels, qui devrait l’être désormais aux homosexuels. Mais de quoi parle-t-on ? Le mariage, le vrai, est permis à tous ; il est permis à tout homme de se trouver une femme et à tous les deux d’aller en mairie s’engager ensemble. Le droit au mariage est déjà universel ! Le vrai drame, soit dit en passant, ce sont les millions d’hommes et de femmes qui voudraient conclure un vrai mariage – avec une personne de sexe opposé – et qui ne trouvent personne. L’âge est un discriminant majeur à cet égard entre les hommes qui, à la suite d’une rupture, se recasent facilement, et les femmes pour qui c’est beaucoup plus difficile : mais de cette question qui, à vrai dire, n’a pas de solution facile, personne ne parle, comme d’ailleurs de toutes les vraies questions. La discrimination que nous évoquons a aussi une dimension économique : les pires misères se rencontrent aujourd’hui chez les femmes seules ayant charge d’enfant. Mais cela non plus n’intéresse pas les idéologues.
Et que signifie un  droit égal pour des gens qui se sont mis volontairement dans des situations hétérogènes ? Si je choisis de faire une carrière civile, vais-je revendiquer les droits des militaires ?
Les idéologues revendiquent de ne pas être discriminés, non seulement sur le droit au mariage, mais aussi sur le droit à l’enfant. Mais l’enfant n’est un droit pour personne ! Pour ceux qui l’ont conçu ensemble, l’élever n’est pas un droit mais un devoir (sauf intervention des services sociaux, en tout état de cause exceptionnelle) ; à la rigueur, si au milieu d’une grande catastrophe, des homosexuels trouvaient un orphelin (comme le Charlot de “the Kid”), ils auraient non seulement le droit, mais le devoir de s’en occuper (sans être fondés pour autant à lui faire croire mensongèrement que l’un d’eux est sa mère). Mais nous n’en sommes pas là ! Kant nous l’a rappelé : une personne humaine (a fortiori vulnérable comme un enfant) ne saurait être tenu pour un moyen, seulement pour une fin. L’enfant a des droits, il n’est pas un droit.

La sempiternelle accusation d’homophobie
Il y a bien sûr le chantage à l’homophobie. S’opposer au mariage unisexe serait faire preuve d’homophobie. Comme disait Muray, “la cage aux phobes est ouverte, garez-vous”. A entendre ceux qui parlent comme  cela, aucune prise de position  rationnelle ne serait possible : l’ homo politicus ne serait mû que par ses plus bas instincts. De même que les homosexuels seraient obligés d’être pour le mariage en raison de leurs orientations sexuelles (y a-t-il pire homophobie que de penser cela ?), quiconque est contre  ne saurait être mu que par la phobie des homosexuels. Un tel chantage est, lui aussi, une manière totalitaire de clore le débat. On lance ce genre d’ invective comme si les positions des uns et des autres ne pouvaient se déterminer en raison, en fonction des intérêts, non de tel ou tel groupe mais de l’État, de la République. C’est pourtant sur ce seul plan qu’il faut débattre. Et c’est sur ce seul plan que les opposants au mariage homosexuel prétendent se placer.

“Mais s’ils s’aiment !”
Chantage à l’amour ensuite. S’ils s’aiment (les homosexuels) pourquoi n’auraient-ils pas eux aussi le droit de se marier ? Mais les officiers d’état-civil n’ont jamais été là pour border les lits ! Il y a des tas de gens qui s’aiment et qui n’ont pas besoin pour cela de convoquer la République à “reconnaitre leur amour”. Deux frères, deux sœurs vivant ensemble, un père et sa fille (hors de tout inceste, bien sûr) peuvent vivre ensemble des années ; pourtant la loi ne leur accorde, s’agissant de frères et sœurs, aucune reconnaissance, même pas en matière de succession. Quatre amis peuvent jouer aux cartes tous les soirs au même bistrot depuis trente ans sans avoir besoin d’une reconnaissance légale. Le mariage est un contrat, c’est aussi une institution sociale qui n’a d’autre finalité que le bien de la société ; et elle vise d’abord à régler la filiation. Même s’il vaut mieux que les époux aient quelque sentiment l’un pour l’autre, ce n’est pas à la société d’en juger, ni à l’Etat d’y apposer son label.

Qui est vraiment libéral ?
Chantage au libéralisme. Ne pas vouloir de mariage homosexuel, ce serait s’opposer à une mesure de libéralisation (c’est la raison pour laquelle beaucoup d’ultra-libéraux, faute d’avoir réfléchi à la question,  y sont favorables). Or c’est exactement le contraire. La République n’a pas à se mêler des sentiments et a fortiori de la sexualité. Si l’institution du mariage existe de temps immémorial, c’est d’abord pour régler la filiation (et donc les successions et autres questions patrimoniales qui, elles, importent à la République). D’autant que, la nature étant ce qu’elle est, il faut 15 ou 20 ans pour faire un homme et non deux mois comme un chat ! Un cadre stable est donc nécessaire ; dès lors qu’il est admis que le ménage homosexuel n’est pas l’idéal pour élever un enfant, en instituant le “mariage” homosexuel, l’État, pour la première fois, s’intéresserait à la sexualité en tant que telle ! Est-ce là du libéralisme ? Il ne fait que reconnaitre une solidarité de fait, dira-t-on ? Mais alors pourquoi en exclure, comme c’est le cas du pacs, les ménages frère et sœur, père et fille, mère et fils, les communautés religieuses etc… ?

Laïcité : la fausse et la vraie
Chantage à la laïcité, bien sûr. Dès lors que les autorités religieuses, unanimes, se sont prononcées contre le projet du gouvernement, un État  authentiquement laïque ne saurait, dit-on, obtempérer à ces admonestations épiscopales, rabbiniques ou autres… Mais pourquoi donc ? Les titulaires de ces autorités ont au minimum le droit de se prononcer comme citoyens. Que leurs appels ne soient pas passés inaperçus relève des médias et d’eux seuls. Et si le pape dit que deux et deux font quatre, faut-il, pour être un vrai laïque, soutenir qu’ils font cinq ? En principe les religions, au moins la juive et la chrétienne, n’ont pas d’autre loi que la loi naturelle, reprise dans la loi de Moïse,  sans qu’y ait été ajouté  rien qui ne soit acceptable par tout homme de bonne volonté. La vraie morale laïque est-elle autre chose que la loi naturelle ? Celle que Jules Ferry définit comme “cette  bonne et antique morale que nous avons reçue de nos pères et mères et que nous nous honorons tous de suivre dans les relations de la vie, sans nous mettre en peine d’en discuter les bases philosophiques.” Et l’illustre républicain d’ajouter : “Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire”. Il est clair que le projet de mariage unisexe se trouve aux antipodes de la laïcité ainsi conçue ! Aujourd’hui l’idéologie a largement remplacé les religions, elles sont  la nouvelle foi. Le projet de mariage unisexe  est idéologique. La vraie laïcité serait de rétablir les droits de la raison, et ce, non plus contre les églises, mais contre les idéologies de plus en plus délirantes qui exercent aujourd’hui leurs ravages.

Une revendication à satisfaire ?
Chantage à la revendication enfin. Il y aurait une ardente revendication de la part de la “communauté homosexuelle”, en manque de reconnaissance, en manque d’enfants etc… La vérité est que l’immense majorité des homosexuels  se fiche du mariage. Elle est aussi qu’ils  n’envisagent nullement de se marier. Ils ne le disent généralement pas parce qu’ils ne souhaitent pas s’afficher comme homosexuels, qu’ils considèrent légitimement que leurs inclinations sont une affaire privée. C’est dire que des associations comme Plus gay sans mariage qui supposent tout de même que les adhérents s’affichent comme tels, mais qui s’opposent au projet gouvernemental, représentent beaucoup plus qu’il ne paraît.
Le  chantage à la revendication inassouvie est d’autant plus paradoxal que les mêmes disent aussi que des milliers d’enfants sont déjà élevés par des couples homosexuels. Preuve, soit dit en passant, que les obstacles législatifs, en l’état actuel du droit, sont minces. Mais on ne saurait confondre les familles monoparentales où le parent unique ne vit pas seul (il ou elle puisque dans 90 % des cas, c’est une femme, peut vivre avec une mère, une grand-mère, une sœur et aussi  une compagne ou un compagnon sans que l’Etat ait à s’en mêler) et le mensonge officiel que supposerait une révision du Code civil permettant au partenaire homosexuel d’usurper une parentalité fallacieuse et même de se dire père s’il est femme, mère s’il est homme ! Nous serions dans une logique “orwelienne” de mensonge d’Etat.
Un journaliste demandait récemment à un ecclésiastique s’il avait le droit de s’ingérer dans une affaire politique. Ce serait plutôt aux politiques de se demander s’ils ont le droit de changer le sens des mots !
Que tous ceux qui, dans cette affaire, défendent les droits de la raison ne se laissent pas impressionner par des arguments qui sont en définitive terroristes ou, à tout le moins, sophistiques. Le débat sera alors plus clair.

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Egalité dans la barbarie, by Chantal Delsol

La violence est un langage. Quand on l’a appris jeune, on le parle naturellement. Elle est un type de relation aux autres dont on use quand on n’a rien d’autre. Celui qui ne sait pas parler détruit. Celui qui possède peu de mots lance des invectives. D’une manière générale, plus un individu dispose d’un lexique, et moins il a de chances de taper.

Car le langage est une arme aussi, qui peut d’ailleurs s’avérer redoutable et même meurtrière. Mais alors on mesure, dans un pays où la méthode globale d’apprentissage de la lecture a été généralisée par idéologie, et où l’expression langagière rigoureuse a été négligée sciemment pour ne pas contraindre, on mesure de quelle manière la violence accapare le vide ainsi créé.

Beaucoup d’enfants n’ont plus de mots. On les voit qui cherchent leurs expressions, hagards de n’être pas compris, et qui emploient un seul mot connu pour dire tout un champ lexical ; qui s’expriment sans cesse en hurlant, sur un ton de colère et d’irritation, pour compenser la juste phrase qui manque. Tout cela parce que les dictées et les poésies, c’est réactionnaire.

Peuvent empêcher la violence enfantine : l’autorité ou le pouvoir. L’une et l’autre diffèrent grandement. L’autorité ici vient des parents, et des éducateurs en général : elle consiste à fonder la loi chez un sujet en devenir. Ou lui apprendre à se restreindre, à “s’empêcher”, comme disait Camus. Le lui apprendre par la conviction, en le persuadant qu’il est plus humain et plus séduisant de parler à autrui que de le frapper – faut-il encore lui donner les moyens : c’est-à-dire les mots. Mais faute d’autorité, il y a le pouvoir : les parents peuvent frapper l’enfant pour lui faire passer l’envie de frapper – processus dorénavant interdit par les lois. Mais surtout, le pouvoir politique emprisonne les violents, et contient en partie la violence par la crainte de la punition.

Dans une société, l’autorité et le pouvoir sont comme des vases communicants. Plus l’autorité est efficace, autrement dit plus la loi est intégrée à l’individu, et moins il y a besoin de pouvoir. Et inversement. Quand la famille n’éduque plus, il faut que l’Etat punisse largement. Si actuellement nous nous trouvons en face d’une situation propice aux violences enfantines, c’est en raison de cette transition : l’éducation parentale est défaillante, mais le pouvoir d’État n’a pas encore pris le relais. Ce qui ne saurait tarder, car aucune société ne saurait vivre dans la violence.

Bien entendu, cette évolution n’a rien de réjouissant. Mieux vaudrait, et cent fois, que les parents et éducateurs reprennent la main, afin que les gouvernants ne se voient pas contraints de déployer la police dans les lycées (certaines mesures récentes montrent qu’on en est déjà là).

La violence découle ici d’un refus de l’autorité, et le refus de l’autorité est consacré par le culte bien français de l’égalité. L’enfant généralement n’obéit pas volontiers à son enseignant, mais si tout est fait pour délégitimer l’autorité, on ne voit pas pourquoi il se forcerait. Les parents ne sont pas obligés de tenir l’enseignant pour un grand savant, mais s’ils le dénigrent devant l’enfant on peut être sûr que celui-ci se croira pour le coup tout-puissant, conséquences comprises.

Ce ne sont pas seulement les personnes ou les groupes qui sont dénigrés, mais le savoir lui-même, et la culture. Celle-ci contraint et opprime, dit-on. Elle produit des inégalités (ce qui est exact). Les temps ont changé, ou plutôt ont glissé : la culture n’est plus fasciste, elle est “bourge” – et pour satisfaire à l’idée d’égalité, on valorise l’inculte qui au moins n’écrase personne. Alors qu’il serait plus constructif à long terme de valoriser le plus policé et de le donner en exemple aux autres. Mais le seul fait de donner en exemple est perçu comme discriminatoire. On se prive donc du mimétisme de l’excellence. C’est dommage, car il n’y a pas plus mimétique qu’un enfant.

Cette stigmatisation de la culture correspond à la survalorisation de la nature, si prégnante. Soyez vous-même! Suivez vos envies ! Ne vous en laissez pas accroire ! Et donc : apologie de la jungle. Car la nature, c’est la violence, le rat mangé par le lion. C’est pourquoi la génération 68 a viré tranquillement au cynisme – quand on raye les principes moraux parce que bourgeois, ne reste plus que le cynisme.

Combien de dogmes mythiques volent en éclats, comme celui rousseauiste de la bonté naturelle ! On ne sait pas à quel degré de violence il faudra en arriver pour qu’une réflexion s’engage sur la réalité. Peut-être qu’aucune réflexion ne s’engagera, et que le pouvoir prendra le relais de l’autorité parentale, rendant la violence pour la violence, et punissant ceux qui n’ont pas su “s’empêcher” eux-mêmes. On préférerait de beaucoup que soient restaurées dans leur légitimité les autorités d’en bas (même si elles peuvent aussi devenir excessives), que les enfants soient engagés à acquérir des mots au travers de périples culturels (même si certains vont avoir du coup plus de mots que d’autres). Mieux vaut plus de civilisation dans l’inégalité que l’égalité dans la barbarie.

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Le crime d’être de droite, by Chantal Delsol

Combien ont applaudi à voir un gouvernement mettre en place le service minimum en période de grève ! Combien ont applaudi en voyant que pour la première fois, depuis aussi loin que remonte le regard, un gouvernement ne se couche pas devant la première manifestation venue, mais poursuit ses réformes sans s’évanouir au bruit de la rue.

On pourrait multiplier les exemples. En dépit des promesses non tenues, des atermoiements, des rodomontades, la teneur de droite du gouvernement Sarkozy n’est pas à démontrer.

Ce n’est pas que nous n’ayons pas eu auparavant de gouvernements de droite. Depuis la Seconde Guerre, nous en avons eu pléthore, au contraire. Cependant, la droite jusqu’alors faisait tout pour ressembler à la gauche (le mot “droite”, jusqu’à la fin du XXe siècle, en France, n’était prononcé que comme injure), et d’ailleurs elle lui ressemblait en effet. Il n’est que de voir les restes : que Jacques Chirac, ancien président de “droite”, et sa fille Claude, qui était sa conseillère majeure à l’Élysée, fassent campagne pour François Hollande, cela est parfaitement normal. Nous avions donc une alternance, mais qui ne l’était que pour l’effet d’annonce, et j’allais dire pour la frime. En réalité, tous les présidents étaient de gauche, plus ou moins, et ce, d’autant plus facilement que la gauche longtemps était d’extrême gauche, il suffisait donc à la droite d’être un peu moins de gauche… Mais enfin, aucun gouvernement n’aurait osé résister aux manifestations ou instaurer un service minimum face aux grèves générales qui rendaient le pays exsangue : c’eût été fasciste.

Alors, si les gouvernements n’osaient être de droite, et si une grande partie du pays l’était, pourquoi Nicolas Sarkozy, déployant une politique clairement de droite, se trouve-t-il si récusé ? Pourquoi vote-t-on pour lui en se bouchant le nez ?

La gauche française a été épouvantée de voir un gouvernement énoncer clairement des idées de droite sans traîner derrière lui la casserole fasciste. C’était un démenti à toute la normalité politique française. Comme 80 % de nos médias sont de gauche ou d’extrême gauche, ce gouvernement a été tiré à la manière d’une cible à la foire, ce d’autant plus facilement qu’il a accumulé les erreurs, les sottises, les forfanteries, les gamineries.

En France, être de gauche coule de source, c’est une normalité, une vertu, une thébaïde ; être de droite sonne faux, ou ce n’est pas sérieux, cela sent le crottin, que sais-je. On ne vous pardonnera rien si vous êtes de droite. Ayez la faiblesse de vous mettre en colère dans une émission de radio, si vous êtes de droite, les journalistes diront d’un air entendu : « CQFD, c’est un extrémiste. » Et si vous êtes de gauche, ils diront : « Quel mauvais caractère ! »

Chaque courant de pensée a ses excès et ses défauts. Si l’on veut simplifier, on dira que la gauche est hypocrite (parce que récusant la réalité, il faut bien qu’elle la réintroduise en cachette) et la droite cynique (parce qu’acceptant la réalité, elle a tendance à la justifier sous ses mauvais aspects). La droite aime l’argent ni plus ni moins que la gauche, mais elle ne craint pas de le dire, voilà toute la différence. La gauche bobo offre un faux visage d’austérité. La droite étale. Et c’est cela qui est insupportable. D’où l’histoire du Fouquet’s. Seule la gauche peut étaler son argent, car elle n’est pas suspectée de l’aimer, on croira toujours qu’elle consomme par devoir d’État. On dira que c’est injuste, non, c’est simplement partisan, et au lieu de se lamenter sur le traitement qui est réservé aux uns et aux autres, mieux vaudrait prendre acte de la réalité française : pour mener un combat d’idées à droite, il faut être plus prudent, plus sérieux, j’allais dire plus vertueux qu’à gauche, afin de compenser le déluge critique des médias, seul pouvoir sans contre-pouvoir, donc discrétionnaire.

Ce qui explique que le premier président français vraiment de droite depuis la guerre, et se disant tel, se soit fait littéralement écharper : il a cru qu’il pouvait se contenter d’être ce que sont les politiques – vaniteux, un rien flambeurs, plutôt brouillés avec la vérité ; et il a cru qu’on allait le prendre tel qu’il était avec son caractère et son éducation – désinvolte et parfois malappris, il faut le dire. Mais non, cela ne marche pas. Pour pouvoir annoncer le service minimum ou résister aux manifestations sans se faire écharper, il faudrait beaucoup de tact, une probité sans faille, une indulgence très haute, autrement dit être inattaquable. Si l’on veut prendre un autre exemple : la majorité des Français a tout à fait conscience qu’au nom de la justice sociale on a développé l’assistance de façon anarchique et dommageable pour les prestataires eux-mêmes. Mais jeter dans la mare, à dix jours du deuxième tour, l’idée d’un 1er Mai du “vrai travail” est une provocation malvenue et inutile, parce qu’elle va immédiatement se retourner contre l’idée même qu’elle était censée servir.

Il ne suffit pas d’exprimer des convictions. Faut-il encore avoir le comportement qui répond à la situation. Les convictions seront-elles balayées par le comportement ?

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