Le temps de la défiance, par Chantal Delsol.

La nouveauté du scrutin qui s’annonce, ce n’est pas vraiment l’exceptionnalité de la situation économique, qui laisserait peu de marges de manœuvre aux deux camps – car il y a bien une manière socialiste et une manière libérale de répondre à une crise financière et économique de grande taille. La nouveauté serait plutôt dans le spectacle d’un électorat qui semble avoir cette fois tout à fait perdu confiance dans la classe politique en son entier.

La multiplication des “affaires” et les dissimulations de corruption ; le procès DSK et le procès Chirac ; ce que l’on entend dire à haute ou basse voix sur la train de vie des politiques ; et les discours de ceux-ci, toujours indignés devant les bassesses des autres et toujours vantant leur propre probité d’incorruptibles – une image suinte de tartuferie et de déloyauté …

Mais la corruption financière ou le népotisme ne sont rien par rapport à la manière d’être habituelle. De plus en plus, et particulièrement lors de ce prochain scrutin, la sanction va s’abattre sur le comportement des élus autant que sur leur morale. L’indignation du “Tous pourris !”, s’adjoint une lassitude accablée : “Que du bla-bla !”.

Le simple Français du radio-trottoir regarde ses gouvernants comme des mariolles et des flambeurs. Les girophares sortis pour un oui ou pour un non et la moindre visite d’Etat bloquant une ville entière. Des élus dont on sait qu’ils ne sont jamais entrés dans le métro sinon une fois pour la visite, escortés d’un peloton entier. L’apparat qui entoure les élus nationaux, leur façon de faire attendre, de croire que tout leur est du, d’arriver en retard et de partir en avance, de dérouler un discours officiel, toujours le même, que les auditeurs pourraient prononcer avant lui. La déception de bien des militants, qui se sont dévoués à un élu admiré pour observer finalement ce profond, profond narcissisme, cette capacité à pressurer les autres au jour le jour et sans mémoire : tout cela faire rire désormais, et c’est assez nouveau, ce citoyen qui au lieu d’admirer le grand homme (la France est monarchique de caractère et de tradition), se met à murmurer et depuis peu : “Mais il se prend pour qui ?”.

L’impression grandit selon laquelle, au moment où les citoyens sont plongés dans la vie réelle, avec ses difficultés et ses angoisses, le gouvernant, lui, vit tout à fait autrement, puisqu’il peut se permettre – cela se repère à cent lieues -  de ne penser qu’à soi-même. Nos gouvernants manient l’art du mensonge avec habileté, font des promesses qu’ils ne tiennent jamais, demeurent rivés aux apparences. Ils profitent de leur position pour s’enrichir, et si ce n’est pas le cas, ils fréquentent grâce à l’argent public des lieux que le citoyen ne peut connaître qu’au cinéma. Tantôt une jactance candide, par laquelle l’un se donne pour le sauveur du pays alors que chacun voit bien la misère de ses soutiens. Tantôt un égocentrisme jobard et irresponsable, par lequel un autre finance ses turpitudes sur les fonds publics avec un air de ne rien voir. Tantôt une inconséquence triomphante, par laquelle d’autres optent pour une vie personnelle en tous points contraire à celle qu’ils défendent, légitiment et prétendent afficher.

Sont-ils crédibles ? se demande le citoyen. Pourrions-nous confier notre destin commun à quelqu’un qui a appris à nous parler avec des maîtres de l’apparence, et considère chacune de ses répliques comme une victoire sportive et non comme une vérité ? Comment pourrions-nous confier les rênes de l’Etat à ceux auxquels nous ne pourrions confier ni notre bicyclette, ni notre budget personnel, ni notre fille ?

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